Cette semaine, focus sur les nouveaux visages de la rentrée littéraire avec chaque jour, le portrait critique d'un jeune romancier qui va faire parler de lui.
À la suite d’autres jeunes talents comme Simon Johannin, Marin Fouqué ou Seynabou Sonko qui ont illuminé les dernières rentrées littéraires, Célestin de Meeûs donne un dernier coup de masse dans la cloison fragile qui séparait encore les formes et les genres, un mur illusoire qui déclarait qu’on était soit poète soit romancier et qu’il n’existait pas de forme hybride à inventer. Tout juste récompensé du Prix Stanislas, la plus prestigieuse récompense pour un premier roman, Mythologie du .12(prononcez calibre 12 comme les munitions utilisées dans les fusils de chasse) est un objet littéraire non-identifié, conçu dans le laboratoire d’un alchimiste du verbe. Mais Célestin de Meeûs n’a rien de l’inventeur fou. Voyez plutôt un amoureux obsédé par la langue qui s’amuse à modeler les mots et les phrases pour les emmener dans des contrées encore inconnues.
Son roman s’étire sur seulement quelques heures, une soirée de juin. Dès la première page un troublant jeu de miroir entre deux existences qui vacillent. Théo, un adolescent qui vient d’en finir avec le lycée, ne sait pas quel sens à donner à sa vie. Avec son pote Max, il zone dans une vieille Clio, sur le parking d’un supermarché, et refait le monde à coup de bières et de joints. Le docteur Rombouts lui, ressasse en s’imbibant de Whisky, les erreurs impardonnables qui ont fait fuir sa famille. Les voix de ces deux êtres égarés se répondent en écho puis soudainement, le récit bascule. Si le texte se présente à nous sous la forme d’un bloc dense, tendu, parfois même volontairement confus, c’est parce que les personnages entrent en collision, se confrontent, jusqu’au drame. Irrémédiable.
Petit théâtre absurde et cruel, plaidoyer contre une société qui a fait de la violence le moteur des relations humaines, Mythologie du .12 est surtout un admirable exercice de style bercé par les influences de Dostoïevski et Roberto Bolano. “Mon histoire pourrait tenir sur un morceau de papier parce qu’elle n’est finalement qu’un prétexte pour faire vivre l’écriture” explique l’auteur “En triturant le langage, je pose toujours la même question : qu’est-ce c’est d’être en vie ? “. Et si c’était ça, au fond, la littérature ?
Léonard Desbrières
Journaliste littéraire et critique pour Le Parisien, LiRE Magazine Littéraire, Konbini ou GQ, passé par La Grande Librairie, je m'intéresse à l'émergence des nouvelles voix romanesques qui incarneront la littérature de demain.