Le plus visionnaire : En pays conquis de Thomas Bronnec
À ce niveau-là, ce n’est plus du flair mais de la voyance. En 2017, Thomas Bronnec, une des grandes plumes du polar politique, publie En pays conquis et annonce presque mot pour mot la situation actuelle. Le rassemblement national, parti d'extrême droite, entre au gouvernement à la faveur des élections législatives. L'Elysée est à gauche et la droite traditionnelle n'a d'autre choix que de s'allier avec le parti extrémiste pour former une majorité. La France est paralysée, ses institutions en pleine déliquescence et une question se pose : La France pourra-t-elle rester dans l'Europe ?
Le plus noir : Le Bloc de Jérôme Leroy
Dans un futur proche, le gouvernement, confronté à des émeutes meurtrières et incontrôlables qui enflamment les banlieues, décide de confier une partie du pouvoir au « Bloc Patriotique », un parti d’extrême droite. Au coeur de cette nuit noire où la France bascule, deux hommes repensent à tout le chemin parcouru.Antoine est le mari d’Agnès Dorgelles, la présidente du Bloc. Stanko est le chef du service d’ordre du parti. Pendant un quart de siècle, ils ont été comme des frères et ont lutté pour amener cette frange fasciste au pouvoir. Mais cette nuit, l’un des deux devra mourir pour parachever leur oeuvre. Un polar sous tension mais surtout une redoutable plongée dans les mécanismes de la pensée extrémiste.
Le plus drôle : Moi, candidat de Mark Twain
Un ouvrage peu connu, un pamphlet court mais jubilatoire signé par une légende du roman américain. Dans Moi, Candidat, Mark Twain, l’auteur des Aventures de Tom Sawyer et d’Huckleberry Finn, croque le portrait d’hommes politiques pris au piège de leurs promesses et de leurs contradictions. La profession de foi d’un candidat à l’élection présidentielle qui jure de rester, une fois élu, l’ordure qu’il a toujours été ; les déboires d’un gouverneur gonflé d’orgueil, en conflit avec la presse ; un opportuniste en chef qui change de camp comme de chemise ou un obstiné capable de tout pour son parti : il n’épargne rien ni personne et capture avec un humour corrosif les vices grotesques d’une classe politique en roue libre.
Le plus philosophique : Paresse pour tous d’Hadrien Klent
Avec Paresse pour tous, Hadrien Klent explore la figure éminemment romanesque de l’homme providentiel mais situe son prophète à l’autre bout de l’échiquier politique, du côté des socialistes utopistes. En publiant Droit à la paresse au XXIème siècle, un essai économique rédigé en hommage au manifeste provocateur de Paul Lafargue (1880), Emilien Long devient un héros malgré lui. Contre toute attente, sa proposition phare, limiter le travail à trois heures par jour, trouve un écho retentissant au sein de la population et inaugure un mouvement de grande ampleur. Commence alors pour lui un folle campagne présidentielle. Entouré d’une équipe improbable, il promeut un crédo simple : Il faut d’abord changer de vie pour espérer changer le monde.
Le plus dystopique : La Situation, Karim Miské
Février 2030. La France s’est déchirée avec une violence aussi insoupçonnable que tragique. Des milices d'extrême-droite viennent de prendre le pouvoir par la force à Paris en assassinant les député.e.s racisé.e.s de l'Assemblée Nationale. Le président et le gouvernement, des ultralibéraux qui ont leur part de responsabilité dans la débâcle, se sont réfugiés au sud de Paris. Une guerre civile éclate entre extrême-droite et extrême-gauche. Terré dans son appartement de Belleville, Kamel Kassim se cache et refuse de prendre position. Mais tôt ou tard, il faudra choisir son camp. Un conte apocalyptique conçu comme un exorcisme pour appeler à un éveil et une prise de conscience.
Le plus absurde : Un fou de Leslie Kaplan
A la dystopie douloureuse, la romancière Leslie Kaplan préfère elle, l’absurde et la tragicomédie. Dans la géniale fable politique Un Fou, elle imagine une situation ubuesque dans laquelle la France découvre incrédule que depuis plusieurs mois un imposteur usurpait la place, le rôle, la figure du Président. Petit à petit, le chaos s’installe alors que tout le monde souhaite à son tour devenir chef de L’Etat. On contemple, désemparé, avec un mélange d’amusement et d’inquiétude, une société transformé en petit théâtre de Guignol.
Le plus documentaire : Les Rapaces de Camille Vigogne Le Coat
Journaliste et grand reporter au service France du magazine L’Obs, Camille Vigogne Le Coat montre dans Les Rapaces l’envers du décor de la machine politique bâtie par Marine Le Pen. En prenant pour exemple la ville de Fréjus et son maire RN, David Rachline, également directeur de campagne et vice-président du parti, elle montre ce que signifie réellement placer l’extrême-droite au pouvoir. Antisémitisme, racisme, dérives autoritaires, corruption et copinage sont au menu de cette une enquête choc qui fourmille de détails et de témoignages accablants.
Le plus romanesque : L’emprise de Marc Dugain
Cela fait dix ans que Marc Dugain cri au désenchantement du politique, annonce la déliquescence du pouvoir à l’heure des GAFAM et des réseaux sociaux et dénonce la perversion coupable de ceux qui le détiennent. En 2014, l’Emprise, trilogie monumentale à la croisée du polar, de l’espionnage et de la fable politique nous offrait une plongée vénéneuse dans les arcanes les plus sombres de la machine étatique française, écartelée entre les secrets diplomatiques, les enjeux économiques et les ambitions machiavéliques.
Le plus réaliste : L’Aube, le soir ou la nuit de Yasmina Reza
Dans L’Aube, le soir ou la nuit (2007), la romancière et dramaturge Yasmina Reza assume le récit documentaire et chronique à sa manière la campagne de Nicolas Sarkozy. Un projet audacieux, parfois déroutant mais sans concession qui tente de pénétrer dans la psyché d’un homme obsédé par la conquête du pouvoir.
Le plus romantique : La Nuit du second tour d’Eric Pessan
David erre dans une ville en flammes, ravagée par un soulèvement populaire, gonflé d‘incompréhension et de colère. Ce jour-là, le pire est arrivé. L’extrême droite a remporté les élections présidentielles. Il devrait lui-aussi manifester et s’inquiéter pour son futur mais il est obnubilé par le souvenir de Mina, son ex-compagne. Quelques heures plus tôt, présageant du drame à venir, elle s’est embarquée sur un cargo direction les Antilles afin de fuir un pays qui a perdu les pédales et une réalité qui fait trop mal. Deux âmes en peine à la dérive se répondent dans un écho pendant que le pays s’embrase. Une complainte amoureuse pleine de mélancolie et de résignation.
Léonard Desbrières
Journaliste littéraire et critique pour Le Parisien, LiRE Magazine Littéraire, Konbini ou GQ, passé par La Grande Librairie, je m'intéresse à l'émergence des nouvelles voix romanesques qui incarneront la littérature de demain.