INCIPIT

La newsletter littéraire par Léonard Desbrières

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Par Léonard Desbrières
21 nov. · 3 mn à lire
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Silence, on écrit ! (Part 2)

Acteurs cultes, réalisateurs de légende et même critiques redoutés, le tout Hollywood joue désormais à l'écrivain. Morceaux choisis.

Les délires d’un cinéphile obsessionnel : Cinéma Spéculations, Quentin Tarantino (J’ai Lu)

Depuis des années, on entend le même refrain dans les interviews de Quentin Tarantino. Il en aurait bientôt fini avec le cinéma, il aurait hâte d’ouvrir un nouveau chapitre de sa vie et de devenir écrivain. Il y a trois ans, il signait un premier roman intitulé Il était une fois à Hollywood, une novellisation de son dernier film qui n’avait pas forcément convaincu. D’abord parce que le concept même de novellisation n’a pas grand intérêt, ensuite parce que le style boursoufflé et grandiloquent de l’auteur pouvait agacer.

Son second livre en revanche mérite le détour parce qu’il offre une déambulation passionnante dans la vie et dans la cinéphilie d’un amoureux transi de la pellicule. La Trilogie du Dollar de Sergio Leone, Bullit, French Connection, Taxi Driver : à chaque film, son chapitre mêlant coulisses, analyse historique, critique et digressions personnelles, étayées par quelques témoignages recueillis au fil du temps auprès de ses confrères.

Foisonnant, parfois déconcertant, toujours incroyablement érudit, Cinéma Spéculations est une plongée caméra à l’épaule dans le Los Angeles des années 60 et 70 et une déclaration d’amour aux cinémas de quartier, lieu sacré d’une existence dédiée au cinéma.

Une icône oubliée : Ecstasy and me, Heddy Lamarr (Séguier)

À l’image de sa vie, l’autobiographie d’Hedy Lamarr part dans tous les sens et il faut s’accrocher. Mais que c’est fascinant de découvrir une figure du cinéma aussi injustement oubliée. Une existence comme un roman d’aventures menées tambour battant par une femme fatale au caractère bien trempé, une égérie qui n’a jamais eu peur de dire aux hommes leurs quatre vérités. Dans Ecstasy and me, l’actrice démonte avec un plaisir non dissimulé sa statue de déesse hollywoodienne pour se raconter sans fard et sans regret.

La jeune autrichienne insoumise de l’entre-deux-guerres, l’autoproclamée première actrice X de l’histoire avec son rôle dans Extase (1933) et ce gros plan d’orgasme simulé, l’épouse prisonnière d’un riche industriel, la plus belle femme du cinéma, seule actrice capable de négocier ses contrats en personne avec le terrible Louis B. Mayer, l’obsédée sexuelle aux multiples frasques et même l’inventrice du Wi-Fi : on parcourt les mille vies d’une icône qui a toujours refusé d’être cantonnée au statut de starlette et de simple objet de désir.

Le Beau livre : Anatomie d’une chute, Arthur Harari, Justine Triet (Gallimard)

Le film français événement de ces dernières années, récompensé de la Palme d’or à Cannes et de l’Oscar du meilleur scénario s’offre une nouvelle en vie en livre. Gallimard vient en effet de publier dans un bel objet collector, le scénario commenté par ses auteurs, Justine Triet et Arthur Harari, et illustré par David Lynch en personne, qui visiblement a bien aimé le film.

Les Conseils d’un vieux dégueulasse : M. Je-sais-tout, John Waters (Actes Sud)

Les monstres de Multiple Maniacs, La course à l’horreur de Pink Flamingos ou le voyage initiatique de Female Trouble : il faut voir le cinéma de John Waters pour le croire. Chaque œuvre du “Pape du trash” produit irrémédiablement le même effet sur le spectateur, écartelé entre une joie enfantine, une envie de rire à gorge déployée et un choc face à un délire pervers poussé trop loin. Presque 40 ans après Provocation, son premier livre, un petit traité de mauvais goût devenu au fil du temps un objet collector introuvable, John Waters renfile le costume de l’écrivain.

Conseils impurs d’un vieux dégueulasse, un sous-titre pour planter le décor. Ici, pas de nostalgie ou de repentance mais un répugnant manuel de savoir-vivre pour en finir avec la bienséance et mettre l’insolence et l’incorrection au centre de votre existence.

Avec un humour redoutable, John Waters détourne les codes du développement personnel et dynamite à tout va la morale ambiante. Qu’il évoque sa période underground et ses déboires hollywoodiens ou qu’il livre ses pensées sur la sexualité, le militantisme, la drogue ou la mort, le réalisateur sort la sulfateuse et nous arrose avec un humour noir destructeur.

Divine, Drag-Queen trash et sublime, égérie de John Waters

Les Brouillons d’un génie : Le dernier rêve, Pedro Almodovar (Flammarion)

« J’ai toujours rêvé d’écrire un mauvais roman » claironne Pedro Almodovar en ouverture du dernier texte de son livre. Un moyen pour lui de rappeler son amour débordant et son respect à toute épreuve pour la littérature à laquelle il tente ici de se frotter à nouveau, plus de trente ans après Patty Diphusa, La Vénus des lavabos (1991).

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