Cette semaine, focus sur les nouveaux visages de la rentrée littéraire avec chaque jour, le portrait critique d'un jeune romancier qui va faire parler de lui.
©Greg Bowl
« Le Barbe bleue des mers », en référence au récit populaire dont la version la plus célèbre est celle de Charles Perrault, un conte pour enfant terrifiant où un homme aux allures d’ogre épouse puis tue plusieurs femmes en prétextant un interdit violé. Voilà un surnom qui vous pose un homme. Cet homme, c’est Peter Tangvald (1924-1991), un navigateur norvégien qui s’est fait un nom à coup d’exploits et de traversées. Un pionnier des frégates dangereuses, au long cours, auteur de Sea Gipsy (1966), livre culte des marins punks mais surtout un emmerdeur de haut vol qui comme beaucoup d’aventurier trompe-la-mort n’a jamais su s’arrêter. Dans son sillage gisent les cadavres de celles qui ont bien voulu l’accompagner.
En juillet 1991, Peter Tangvald vient de disparaître dans un naufrage funeste avec sa fille, une victime de plus. Virginia, son autre fille, ne l’a pas connu. Elle est née au beau milieu de l’océan mais a grandit au Canada, protégée par une mère qui a pressenti le drame à venir. Autrice et narratrice des Enfants du large, elle décide, en apprenant la nouvelle, de percer à jour les secrets de celui qui a condamné tout son entourage aux abysses.
©National Film Board of Canada
Elle rentre d’abord en contact avec l’unique survivant du drame, son demi-frère Thomas. Face à elle, un autre illuminé, touché par l’obsession du large. Une tête brûlée qui comme son père, trouvera la mort en mer. Alors Virginia Tangvald poursuit sa quête. Peut-on faire de la mer son unique horizon au point de condamner sa propre famille ? On partage le combat de cette fille bien décidée à exhumer la figure paternelle. Avec la rage au ventre, on dévore ce livre bouleversant qui pourfend les illusions dangereuses de liberté. Qui à force d’être brandie à tort et à travers comme un bouclier n’est plus un idéal mais une malédiction.
Bonne lecture !